Santa Maria (Rio
Grande do Sul) - Fortaleza (Ceará) en 75 heures - 4500 Km d’enfer.
Récit d’une
Aventure
Par Yorik van
Havre
1.
Or donc, nous partîmes au
matin du vingt-quatrième
jour du mois de Septembre, à dix heures précises.
2.
Nous transportons chacun un
grand sac à dos rempli de
tout ce que nous allions et allons encore avoir besoin ici de l’autre
coté du
continent. De plus, nous emportons deux sacs plus petits contenant le
nécessaire indispensable pour survivre à ce que nous imaginions être 18
heures
de bus, de Santa Maria, dans l’état du Rio Grande do Sul, à São Paulo.
3.
Le soleil brille en ce frais
matin de printemps
riograndais et nous nous dirigeons vers la estação rodoviária de
Santa Maria.
Lorsque nous arrivons sur le quai, le bus attend déja. Il s’agit d’un
modèle
ultra-moderne, ressemblant à s’y méprendre à une capsule spatiale. À
son bord,
un couple seulement. Personne d’autre sur le quai. Un voyage agréable,
pensons-nous. Une promenade.
4.
Lorsque nous entrons dans le
bus, la joie fait place à
la surprise: L’intérieur du bus, qui manifestement en est à ses
premières
heures de vie routière, est en plastique mauve avec des garnitures vert
clair,
les sièges vert pomme avec un protège-tête rouge cerise, le bas des
sièges est
jaune et il y a des rideaux bleus sur les fenêtres. L’uniforme des
chauffeurs,
vous vous en doutez peut-être, est rose fuschia.
5.
Lorsque le bus démarre, nous
ne sommes pas plus d’une
dizaine à bord. Le véhicule cahote sur ce que nous qualifions alors de
mauvaises routes du Rio Grande do Sul. Nous n’allions pas tarder à
apprendre ce
que sont de mauvaises routes.
6.
Sur les 18 heures de voyages,
sont prévus 3 arrêts
d’une demi-heure pour alimentation du véhicule et de sa cargaison
humaine et 3
arrêts d’1/4 d’heure, ce qui doit permettre de se dégourdir les jambes
toutes
les 3 heures. Parfait nous félicitons-nous. Le premier arrêt se produit
à
hauteur de Cruz Alta, toujours dans le Rio Grande, où nous mangeons un
infect empanado
de frango de rodoviária. Il faut bien sûr savoir que les compagnies
de bus
s’arrêtant toujours aux mêmes endroits, concluent d’immondes pactes
avec les
restaurateurs locaux et les bus s’arrêtent au milieu de la rase
campagne, ou il
n’y a qu’UN restaurant/snack/lancherie/café pratiquant une politique de
prix
abusive, ce qui n’empêche pas la majorité des passagers d’engouffrer
d'énormes
portions de comida.
7.
L’après-midi se déroule
lentement, de même que le
paysage du Rio Grande, dont nous allions regretter les verts pâturages
sous peu.
Nous tentons de tuer le temps, nous avons heureusement emporté quelques
cassettes que Grégoire avait abandonné à Santa Maria, probablement dans
le but
de délester son fardeau. Maíra dort quelques heures, prélude alors
insouciant à
la dure réalité que nous allions devoir affronter.
8.
En fin de journée, nous
pénétrons dans l’état de Santa
Catarina. Il est déja 19 heures, et nous ne nous sommes pas encore
arrêtés.Nous
sommes inquiets. Nous nous préparons, un chimarrão que Maíra,
en gaúcha
confirmée, dompte allègrement au milieu des collines catarinaises.
9.
À présent c’est clair. Nous
avons étés bernés. Le bus
ne s’est pas arrêté à l’heure prévue et le chauffeur semble pris de
folie
furieuse. Il se rue sur les collines tel un Vincent sur les dunes du
Sahara.
Nous suons à grosses gouttes pour maîtriser le chimarrão. Et
nous allons
déjà bientôt sortir de Santa Catarina. Il est 23 heures.
10.
Lorsque nous pénétrons sur le
territoire de l’état du
Paraná, pays des mille collines et de l’Araucara, la situation est
tragique. le
soleil s’est éteint depuis longtemps, ainsi que notre espérance.
Finalement,
quand on ne l’attendait plus, l’arrêt se produisit. Nous nous trouvons
en face
d’un restoroute rutilant dans lequel nous sommes forcés par la faim
d’accepter
un buffet au kilo à un prix exorbitant mais, nous sommes obligés de
l’avouer,
bon.
11.
Nous reprenons la route, en
direction de Curitibá,
capitale du Paraná, ville-modèle d’amérique latine et, je n’hésite pas
à le
clamer, du monde. Son maire fut pendant
de longues années le président actuel de l’Organisation Internationale
des
Architectes, Jaime Lerner. Et le travail de restructuration urbaine qui
fut
accompli dans cette ville est une chose fantastique.
12.
À mesure que nous nous
enfonçons dans la nuit, un froid
paranaéen, que nous n’avions pas prévu, se fait intense. L’autobus ne
semble
pas, malgré sa manifeste jeunesse, être équipé de système de chauffage.
L’air
conditionné, glacé, emplit l’espace. Nous congelons sur place.
13.
Peu de temps avant d’atteindre
Curitibá, le bus
s’arrête pour un nouveau changement de chauffeur. La loi interdisant à
un
transporteur de conduire plus de 6 heures, nous assistons à un
roulement
continu dans la cabine de pilotage. Nous occupons les sièges 1 et 2,
que nous
avions judicieusement choisi car nous savions qu’ainsi notre cockpit de
survie
allait avoir un espace vital plus grand.
14.
Nous profitons du changement
de chauffeur pour obtenir
un accès à la soute à bagages et en extraire un sac de couchage bleu et
rose
fluorescent. Notre situation s’améliore immédiatement. Notre espace
prend de
plus en plus l’aspect d’une cabine spatiale, et le paysage à travers la
fenêtre
ressemble à la terre vue de l’espace. C’est un peu faible je sais mais
je ne
puis m’empêcher de faire de la poésie bon marché.
15.
Le matin se lève sur l’état de
São Paulo. Le froid
s’appaise. Je m’éveille des maigres heures de sommeil que j’ai réussi à
passer.
Maíra est déja éveillée, elle a dormi encore moins. Commençent à
apparaître les
banlieues infinies de São Paulo.
16.
Après 1 heure et demie de
route dans la ville, nous
parvenons à la rodoviária. Nous sommes dans un état étrange: excités,
fatigués,
anxieux, contents, morts de faim.
17.
Immédiatement, nous nous
rendons dans la Salle de
Ventes de Billets. Deux compagnies de bus font routes vers Fortaleza.
Notre
plan est de passer la nuit ici à São Paulo et de poursuivre notre
chemin le
lendemain. Mais arrivés devant les guichets un terrible dilemme se
pose: le
prochain bus part dans deux heures. Qu’allons-nous faire? Dans nos
têtes c’est
le tourbillon. Partir? Rester? Nous nous asseyons devant un absurde
sandwich à
13 reals. Nous ne nous sentons tout d’un coup pleins d'énergie. Là,
dans cette
gare routière de béton, le destin se joue. Nous décidons de saisir,
oui, de
saisir cette opportunité qui nous tend la main. Tout indique que nous
devons y
aller. Suivre notre route. Prendre l’autobus qui nous ouvre sa porte,
ici,
maintenant.
18.
Nous optons pour la compagnie
qui semble la plus
rapide. Tragique apparence fallacieuse des choses, comme nous allions
le voir.
Nous avons juste le temps de compléter notre équipement de survie pour
les
prochaines 48 heures, sans bien nous rendre compte de l'absurde
énormité de ce
chiffre.
19.
Arrivés devant le bus, notre
bus comme nous allions
commencer à l’appeler, nous sommes pris de panique. Celui-ci n’est plus
un
aéronef du dernier cri, mais bel et bien un ancêtre à qui l'on a tenté
bien
approximativement de faire subir un lifting. L’odeur du désinfectant
que l’on a généreusement répandu dans la
carlingue ne
parvient pas à masquer complètement celle bien organique des
innombrables
passagers précédents.
20.
On nous a attribué les places
31 et 32. Les rares
dernières qui restaient. Devant, derrière, une cohue. Des familles
entières,
des hommes d’affaire, des enfants, s’engouffrent dans l’habitacle. Les
employés
de la compagnie nous paraissent hystériques. Nous sommes pressés
d’embarquer et
le bus démarre dans une trombe de poussière.
21.
Maintenant rompus à la vie en
bus, nous aménageons
rapidement notre espace vital. Mûs par un instinct qui s’avérerait
heureux,
nous emportons notre fameux sac de couchage dans la carlingue. Les
soutes,
verouillées au départ, ne s’ouvriront qu’à l’arrivée.
22.
Nous sommes maintenant en
possession d’une carte
routière du Brésil, achetée à São Paulo. Nous pouvons suivre, pas à
pas, le
trajet de notre véhicule. Immédiatement, nous prenons la route du Nord
et déjà
les faubourgs de São Paulo s’éloignent. Les collines du petit état
passent
rapidement et bientôt nous nous trouvons aux portes de l’état de Minas
Gerais.
Nous pénétrons en territoire inconnu.
23.
Le premier arrêt du bus, trois
heures précises après
le départ, se produit dans ce qui nous semble un autre monde. Une rodoviária
vide. Il n’y a pas un bruit, nous réussissons à acheter un maigre
régime de
bananes, et quelques exemplaires d’un fruit ressemblant à une orange
qui semble
porter le nom étrange de maricota.
24.
Nous réalisons peu de temps
plus tard que nous nous
trouvons en grave péril. Notre bagage de cabine, conçu pour survivre à
18
heures d’incubation, s’avère nettement insuffisant pour la traversée
dans
laquelle nous sommes engagés. La joie fait place à une angoisse diffuse.
25.
Notre véhicule amorçe un
second arrêt, rigoureusement
3 heures après le premier. Nous en profitons pour nous restaurer des
quelques salgadinhos
que notre budget nous permet. Nous nous sentons apaisés par la
nourriture
et la promesse d’un horaire suivi à la seconde par notre équipe de
chauffeurs.
26.
Le paysage morne et vallonné
des Minas Gerais rappelle
celui d’Angleterre. Mais nous avons l’étrange impression de traverser
Mordor.
De rares troupeaux broutent une herbe maigre. Le ciel est couvert et la
température reste anormalement basse. Nous sommes inquiets.
27.
La survie s’organise et
chacun, dans l’équipe, tente
d’occuper son temps comme il le peut. Nous recourons bien sûr au chimarrão
autant
que nous le pouvons, mais la provision d’erva-mate se réduit.
28.
Vers la fin du jour, nous
parvenons en vue de la capitale
de l’inquiétant état de Minas Gerais, Belo Horizonte. Une pluie fine
tombe. La
ville, une gigantesque cuvette bordée d’un mur de roc au sommet
horizontal,
paraît plus noire encore que le ciel. Derrière le rocher, le soleil qui
achève
de se coucher déverse des restes de lueur infernale.
29.
Notre véhicule traverse les
ruelles lugubres et
faiblement éclairées de la cité Minéenne. Nous nous engouffrons dans le
garage
de la compagnie, où notre bus va subir un lavage complet, ainsi qu’une
désinfection interieure. Il était temps. Déjà, l’odeur humaine se fait
sentir.
La porte des WC semble jusqu’à présent tenir le coup.
30.
La carte nous indique que nous
n’avons parcouru qu’une
petite portion de la route qui traverse le gigantesque état de Minas
Gerais.
Nous n’en sortirons probablement pas avant l’aube.
31.
Et la routine s’organise. La
nuit passe, lente,
rythmée par les arrêts toutes les trois heures. Lentement, le paysage
évolue.
La température augmente. Dans la carlingue, le systeme de
conditionnement d’air
déverse des flots d’air glacé. C’est notre deuxième nuit à bord et les
cahots
nous maintiennent hors du sommeil profond. Malgré l’obscurité, on
devine la
mutation que subit le paysage. L’herbe se fait rare. La végétation
sèche. Nous
nous sentons remonter les degrés de latitude.
32.
Lorsque l’aube se lève, nous
venons de passer des
Minas Gerais à l’état de Bahia. Nous sommes complètement ankylosés. Les
effluves organiques provenant des passagers du bus atteint un taux
inquiétant.
Nous réalisons avec horreur que nous sommes nous-mêmes en grave danger
de
décomposition.
33.
Un premier arrêt nous permet
d’ingurgiter quelques salgadinhos
bahiens et de faire la toilette du bus. Cette fois-ci, le désodorant
répandu
dans la cabine ne suffit plus. Et les WC, là, au fond, s’apparentent à
une
bombe à retardement, tout le monde à bord en est conscient.
34.
La situation dégénère. Nous ne
survivrons pas sans une
douche. Plusieurs passagers commençent à sombrer dans une léthargie
inquiétante.
35.
Il est 11h du matin. L’air
conditionné vient de tomber
en panne. La température commence à monter. Au dehors, l’atmosphère est
étouffante. Quelques enfants sont au bord de l’hystérie.
36.
Midi et demie. Nous avons joué
le tout pour le tout et
profité de l’arrêt du déjeuner pour réquisitionner une douche.
Plusieurs
passagers, dont Maíra et moi, avons pu en profiter. Le moral des
troupes est
remonté sensiblement. D’autres passagers, encouragés par notre acte, se
préparent à faire de même à l’arrêt suivant.
37.
Notre inquiétude, maintenant,
est tournée vers l’air
conditionné et vers la porte des WC. Notre chauffeur nous promet une
solution
au premier problème dès l’arrêt suivant. Pour le second, il n’y a rien
à faire
qu’à espérer et prier.
38.
Le paysage bahien se déroule,
la léthargie gagne un à
un les plus endurçis. À deux reprises, se matérialise dans le bus, on
ne sait
d’où ni comment, un vendeur de pamone e chá. La route n’en
finit pas.
39.
En fin de journée, c’est le
soulagement. Le bus s’est
arrêté dans un garage de la compagnie, et l’air conditionné a été
réparé tant
bien que mal. Nous espérons que la réparation de fortune tiendra
jusqu’à
l’arrivée, prévue le lendemain à 9h.
40.
Une nouvelle préoccupation
survient. Certains
passagers argumentent que l’arrivée à Fortaleza ne sera pas à 9h du
matin, mais
pas avant 18h. Nous n’en croyons pas nos oreilles. Jamais nous ne
survivrons
jusque là.
41.
Il est 22h, la nouvelle vient
de tomber: À la sortie
de l’état du Pernambuco, dans lequel nous allons entrer dans quelques
instants,
nous allons traverser une zone de l’état du Piauí contrôlée par des
guérilleros
et qui présente un haut taux d’attaques d’autobus. De nombreuses
histoires
inquiétantes circulent parmi les passagers. Des mères de familles
protestent.
42.
Nous atteignons la
ville-frontière entre Bahia et le
Pernambuco. La traversée de ce petit état ne prendra pas plus de 3
heures.
Ensuite, nous passerons en zone rebelle. Un groupe de passagers
s’accoude au
bar de la rodoviária et s’imbibe de cachaça. La tension
au sein
du groupe est palpable.
43.
Quand nous regagnons le bus
après cet arrêt, nous ne
doutons pas un instant. La barrière étroite que forme la porte des WC,
probablement malmenée par les nombreux cahots, a perdu son étanchéité.
Les
effluves gagnent l’habitacle. Les passagers de la moitié arrière du
bus, dont
nous sommes, sont au bord de la crise de larmes. Seul la cachaça,
oui,
introduite subrepticement à bord par de nombreux passagers, permet de
supporter
la situation.
44.
La frontière du Paiuí
approche. Chacun retient sa
respiration.
45.
Poste frontière, 1h du matin.
L’atmosphère, au-dehors
est torride. Le poste ressemble à un bunker, il y a des barbelés.
Plusieurs
hommes de la polícia militar, armés de mitrailleuses,
encerclent le bus.
Ils ouvrent les soutes et vérifient les bagages et marchandises.
46.
Trois autres véhicules, dont
un bus d’une autre
compagnie, sont stationnés. Ils attendent d’être suffisament nombreux
pour
former un convoi. Lorsque nous passons devant eux, ils estiment le
nombre
suffisant et nous emboîtent le pas.
47.
À bord du bus, le calme est
olympien. Chacun a les
yeux collés aux fenêtres, tentant de perçer les ténèbres et détecter la
présence des guerilleros. Quelques passagers, dont votre serviteur,
vaincus par
la cachaça, préfèrent honteusement se réfugier dans un semblant
de
léthargie.
48.
Par trois fois, nous passons
par un check-point de la polícia
militar. Casemate, barbelés, et soldats armés jusqu’aux dents. À
l’intérieur du bus, le silence se maintient. On prie.
49.
La route que nous suivons
traverse un désert de
pierraille et d’arbustes secs. L’asphalte qui reste occupe moins de 50%
de sa
superficie. Les bagages tombent des porte-bagages. La poussière
soulevée par le
convoi est infernale. Régulièrement le bus freine dans un crissement de
pneus
et fait une embardée. Chaque fois notre coeur s’arrête de battre, car
nous
savons que la technique habituelle des guerilleros est de placer un
obstacle
sur la route pour forçer le bus à sortir de sa voie et s’arrêter.
50.
Après près de 5 heures
d’enfer, les muscles se
détendent. À cette heure, nous devrions être sortis du Piauí. Bien que
nous ne
puissions l’affirmer, car l’obscurité et l’absence de toute
signalisaton
empêche toute certitude.
51.
Vers 6h30, nous poussons tous
un soupir de
soulagement. Le soleil s’est levé et un marquage routier nous a révélé
que nous
sommes passés dans l’état du Ceará. Tout danger est en principe écarté.
Nous
nous arrêtons dans un bolicho pour prendre un café bien mérité.
Nous
félicitons notre chauffeur, le neuvième déjà à se succéder derrière le
volant
de notre bus.
52.
Maintenant c’est clair, nous
avons à nouveau été
bernés. La traversée de l’état du Ceará prendra au moins 6 heures. Nous
fulminons de rage contre l’ignoble femme qui nous a vendu ces fameux
billets
“Fortaleza en 48h”. Nous n’en pouvons plus. La chaleur, l’odeur sont
intenses.
L’équipage de notre vaisseau entier semble être plongé dans une sorte
de coma
profond.
53.
Et nous reprenons la route,
sous un soleil de plomb.
Le Ceará se déroule, vide, désertique. De temps en temps, une rare
pousse verte
tranche dans le paysage de sable, de rocaille et d’arbustes morts.
54.
Au milieu de ce qui semble
être un carrefour au milieu
du désert, notre bus s’arrête et débarque deux passagers et 5 caisses
en carton
de la taille d’un frigo. Les autres passagers sont formels: des
contrebandiers.
Drogue? maconha? armes? électro-ménager? Jamais nous ne saurons
ce qu’il
y avait dans les caisses.
55.
Lorsque sonnent les 9h du
matin, notre bus s’arrête
dans la bourgade de Cruzeiro, première agglomération cearaise à
apparaître sur
notre chemin. Les maisonnettes sont blanches et ont l’air mexicaines.
Là attend
un autre bus partant d’un instant à l’autre et ralliant directement
Fortaleza,
sans faire la boucle que le notre prétend. On nous propose de faire
l’échange,
ce que nous acceptons d’une même voix.
56.
C’est le moment de l’adieu
vibrant aux compagnons de
voyages, qui après tant d’épreuves sont devenus plus unis que les
diables rouges.
Cette traversée restera gravée dans nos mémoires à tous.
57.
Dans notre bus direct, nous
sommes 4 passagers. Le
chauffeur nous promet de rallier Fortaleza en 4 heures. Notre calvaire
s’est
allégé. L’atmosphère de ce nouveau véhicule est à peu près pure, et
c’est avec
un frisson dans le dos que nous évoquons l’air vicié infernal dans
lequel
baignent encore nos ex-compagnons.
58.
Nous avons demandé à notre
chauffeur de ne plus
s’arrêter. Plus maintenant. La fin de cet interminable calvaire ou la
mort.
Dans une sarabande démoniaque, notre bus se rue à l’assaut des
nids-de-poule.
Plus rien ne nous arrêtera avant le littoral.
59.
Nous avons franchi le désert.
Là, devant nos yeux,
apparaissent les jardins verdoyants de la capitale cearaise, Fortaleza.
Les yeux
écarquillés, nous ne perdons pas une miette du spectacle. Il est 1h de
l’après-midi.
60.
L’arrivée s’est produite comme
dans un rêve, nous
avons débarqué, nous avons rallié notre point d’arrêt final, la pousada
toscana, d’où j’écris en ce moment ces lignes. Peu de temps après,
nous
avons franchi les dernières dizaines de mètres qui nous séparaient de
l’océan
et mis les pieds dans l’eau turquoise. La traversée du Brésil et
pratiquement
du continent sud-américain s’est achevée. Notre horloge biologique a
tourné 75
heures hallucinantes.
FIN
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